Compte-rendu du café-philo du 24 mai 2013 – L'errance
: fuite ou sauvegarde ? – présenté par Catherine Pageard
Pour réécouter l'intervention :
http://www.catherinepageard.blogspot.fr/2013/06/lerrance-fuite-ou-sauvegarde-telle.html
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En s’appuyant sur un exemple, l’intervenante
aborde l’errance comme une marche qui se démarque radicalement de la marche
commune (déplacements utilitaires, promenades, etc.). L’errance apparaît
toujours comme la quête d’un lieu qui ne semble jamais pouvoir être
véritablement atteint.
Dès lors le problème qui est posé par l’errance
est de savoir si elle exprime liberté humaine ou plutôt son impuissance.
La réponse proposée est multiple car sont
multiples les figures de l’errance.
Il y a l’errance régressive qui répète son trajet
indéfiniment car le lieu d’arrivée n’est jamais l’aboutissement de la quête. En
effet, celle-ci visant le passé, elle ne peut trouver son objet dans le
présent.
Il y a l’errance de purification qui vise à se
dépouiller des oripeaux de la vie sociale pour nouer un contact plus intime et
profond avec le monde.
Il y a l’errance de formation qui amène le tout nouveau
adulte à « faire la route » pour mieux se connaître lui-même tout en
découvrant le monde afin d’être plus lucide sur la place qu’il peut y occuper.
Il y a l’errance de décrochage sociale –
vagabonds, clochards, zonards – pour laquelle l’activité de déplacement vaut
pour elle-même comme substitut pour l’impossibilité d’être actif dans le cadre
de la vie sociale. La fugue peut être comprise comme une forme éphémère (et
souvent juvénile) de ce type d’errance.
On voit que certaines forme d’errance manifestent
plutôt l’impuissance et la fuite, alors que d’autres sont plutôt du côté de la
liberté et de la sauvegarde. Mais l’intervenante se garde bien d’essayer de
réduire l’une à l’autre ; elle maintient cette bivalence de l’errance comme un
motif essentiel pour stimuler notre réflexion.
Débat
L’idée que l’errance soit une quête de quelque
chose de déterminé a été contestée en argumentant que ce qu’on appelle errance
est spécifiquement le déplacement sans but, disponible, et aventureux.
Une issue à ce dilemme a été trouvée par recours
à l’étymologique : « errance » est dérivé du même radical que
« errements » et « erreur ». On peut alors considérer que
l’errant a un but, mais qu’il le manque. Cela permet de rendre compte du
caractère indéfini et aléatoire de son cheminement. Ce qui a d’ailleurs amené
la remarque que l’errance pouvait être rapprochée du jeu.
On a fait valoir, à juste titre, que l’errance
était bien plus large que sa forme marchée. Ceci n’était pas une critique de
l’intervenante qui, justement, s’est limitée à la marche de façon à mieux
cerner la problématique en l’alimentant de lectures de passages d’essais
littéraires qui examinent de façon privilégiée cette forme d’errance. Mais cela
a permis d’ouvrir le champ de la réflexion et amener à reconnaître en l’errance
une dimension essentielle de notre humanité.
On a ainsi reconnu l’importance de l’errance dans
les activités sociales (l’errance professionnelle), mais aussi l’errance dans
les relations sentimentales, ou encore l’errance collective, comme celle des
peuples déplacés par les aléas de l’histoire – l’exil et l’émigration peuvent
ainsi être rattachés à l’errance.
Finalement on s’est accordé pour reconnaître que,
loin d’être un phénomène de la marginalité sociale, l’errance nous concernait
tous, et semblait toucher nos ressorts les plus intimes. C’est pourquoi ce
thème a pu provoquer un débat à la fois passionné et passionnant.
Nous avons fait l’hypothèse, en conclusion, que
chacun est ou a été, en quelque manière, errant. Car aussi bien l’histoire que
l’archéologie montrent que l’espèce humaine, parmi toutes les espèces vivantes,
est l’espèce errante par excellence.
Pierre-Jean DESSERTINE
Pierre-Jean DESSERTINE
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