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Le travail va-t-il disparaître ?
à déterminer
Pierre-Jean Dessertine

Le café-philo d'Apt ne pourra plus se réunir au Restaurant de La Tour de l'Ho. Il recherche un lieu d'accueil sur Apt.

Ce peut être un autre établissement bar-restaurant, ou aussi un espace dans un établissement public s'il permet d'apporter une collation à consommer sur place dans le respect des lieux.

Email :
cafephilo.apt@gmail.com


20/12/2013 Faut-il avoir peur du vide ?

Voici le texte de l'intervention d'Elisabeth Videcoq :


Introduction
 En commençant à réfléchir au sujet de notre débat de ce soir, voici la première découverte que j’ai faite : Parménide, philosophe grec présocratique, disait : » L’être est, le non être n’est pas. » Or le vide était pour lui un non être et ne pouvait donc exister.
J’en ai tiré une conclusion un peu hâtive : « Le vide n’existe pas, donc circulez, il n’y a rien à voir, rien à dire. ». La feuille qui était devant moi restait blanche et vide de tout écrit.
Puis chemin faisant j’ai découvert que cette notion de vide recouvrait un  champ si vaste…si plein…si riche…et était le théâtre de tant de batailles, qu’au risque de tout mélanger, il a fallu que je fasse le vide dans mon esprit avant de me lancer !


LE VIDE

Définition du vide
En philosophie
La notion de vide est intimement liée à la notion d’être. Le vide est l’absence de matière, l’absence d’être.
En physique
Le vide est un concept qui recèle des propriétés tout à fait surprenantes et néanmoins fondamentales. Il ne s’agit pas du rien (l’absence de tout). La physique moderne nous dit d’ailleurs qu’il est tout à fait pertinent de  discuter de l’énergie du vide.
Il y a eu des débats philosophiques de l’antiquité jusqu’à la renaissance autour de cette notion.
La découverte, ou plutôt l’admission du vide dans la nature est une étape décisive de l’histoire des sciences, la polémique agite fortement les milieux savants durant la révolution scientifique du XVIIème siècle.
  
Aujourd’hui, nous sommes entraînés par la physique moderne dans ce qu’elle a de plus étrange à savoir le contenu du vide !
Alors que la physique classique a admis l’existence du vide, la physique moderne remet cette idée en cause. Il existe des champs électriques, magnétiques et gravitationnels dans le vide. Peut-on encore parler de vide ? Le vide existe-t-il ?
Mais je vous laisse aller explorer le monde de la physique quantique dans lequel je ne m’aventurerai pas. Par contre je vous propose d’explorer la notion de vide en tant que sentiment ou vide « existentiel » comme objet principal du débat de ce soir.
Là encore j’ai ouvert la boîte de Pandore… J’espère que cela ne va pas me mener à la catastrophe !
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Le Vide  « existentiel »

 Au niveau individuel
Définition
Le « vide existentiel » est une condition humaine caractérisée par un sentiment d’ennui généralisé, d’aliénation et d’apathie.
En être atteint, peut aller jusqu’à perdre toute motivation de vivre : le vide remplace le plein de la vie. Il donne l’impression de subir une fatalité incontournable.

Le vide et son rapport au temps
Des sentiments de vide peuvent survenir simplement à l’occasion d’une attente : Attendre une personne, un ami. Je pense à cet ami qui doit arriver et qui n’est pas là, qui est absent. Dans l’attente je reste dans le vide de l’absence, je suis ailleurs, je suis dans un futur, dans le futur de ce qui doit arriver et je dénie  la présence de ce qui est. En effet l’absence a un pouvoir remarquable, une puissance de négativité, elle néantise la perception.
 Sentiment de vide aussi dans l’échec d’un désir. Je désire ardemment une personne, une situation, un objet qui a un prix infini à mes yeux et j’échoue dans mes tentatives. Je reste avec l’absence de ce que je voulais posséder. 
Bergson écrit : « Un être qui ne serait pas doué de mémoire ou de prévision ne prononcerait jamais les mots de  « vide » et de « néant », il exprimerait simplement ce qui est et ce qu’il perçoit ; or ce qui est et ce qu’on perçoit, c’est la présence »…. « Il n’y a d’absence que pour un être capable de souvenir et d’attente. »

Le vide et son rapport à l’ennui
Sentiment de vide, lorsque l’individu est confronté à l’ennui soit par l’absence d’activité soit parce que l’activité ne retient pas son attention, qu’elle est vide d’une fin digne de s’y intéresser. Il va alors chercher à s’en distraire au moyen d’un passe temps. Il s’agit bien là de faire passer le temps malgré tout. Dans cet état d’ennui, il va regarder tout le temps l’heure pour s’assurer que le temps passe car il est exposé à une temporalité vide qu’il s’empresse de combler.
Il est un autre ennui ; Celui où l’individu s’ennuie lui-même et d’une partie de lui-même. Ce qui peut résulter du manque d’estime de soi.  Il est dans une absence totale d’envie à satisfaire ses désirs, une sorte d’apathie, d’inappétence, voir dans un désespoir qui le ramène à sa propre temporalité vide.
« Ce ne sont pas tant les objets qui posent problème plutôt que moi-même confronté à une absence de fin et donc à une absence de signification : je ne suis alors plus rien d’autre que cette  temporalité vide et insensée » dit  Pascal dans Les Pensées.
 « La peur que nous avons communément du vide n’est-ce pas l’absence que nous y mettons ? Cette absence qui néantise le reste. » Serge Cartanfan


Le vide et son rapport à l’énergie vitale
Le sentiment de vide s’exprimera, à l’occasion d’une grande lassitude,  d’un état d’épuisement physique ou mental ; Etat de tension permanente du à un rythme de vie frénétique, à des difficultés rencontrées dans le travail et ou dans la vie personnelle, épuisement physique et mental du à la maladie…..Ne nous arrive-t-il pas de dire : «   Je suis vidée, Je n’ai plus aucune énergie, j’ai la tête vide. »

Le vide et son rapport au deuil
D’une manière générale, le deuil permet de surmonter un événement critique de la vie, un vide lié à une perte brutale. Il est souvent associé à la mort : la mort d’un être aimé mais aussi « la mort d’une image parfaite des parents lorsque ceux-ci divorcent »,  « la mort de la confiance en une personne »,  « la mort d’une relation amoureuse lors d’une séparation »,  « la perte du statut social lié à la perte d’un emploi »
Le deuil est aussi considéré comme un processus nécessaire de délivrance, nommé résilience.
Les travaux d’ Elisabeth Kübler-Ross font retenir cinq étape dans le processus de deuil :
Le choc : phase courte mais violente refus de croire,  2 La colère : période de questionnement.                               3 Le marchandage : phase de négociations, de chantages.  4 La dépression : phase caractérisée par une grande tristesse, la détresse. 5 L’acceptation : perte comprise et  acceptée. Réorganisation de la vie en fonction de la perte.

Le vide et son rapport à la souffrance
Sentiment de vide lors d’une déprime, qui entraine une souffrance morale, voir des troubles du comportement,  une perte totale de l’estime de soi, un repli sur soi-même. Souffrance due à la misère, à l’absence de sécurité. Prenons l’exemple du SDF. Il manque de tout et se retrouve face à sa solitude, à sa différence et parfois à l’indifférence des autres. IL n’existe plus pour rien ni personne.
Le sentiment de vide résultant de  violences : problèmes familiaux qui peuvent aller jusqu’aux relations abusives et à la maltraitance…..L’individu soumis à cette violence se retrouve seul face à sa souffrance.
Ce sentiment de  vide intérieur fait peur et isole des autres ……

les réactions possibles face à ce sentiment de vide ?
 Parfois, l’individu va essayer de compenser sa frustration et le vide qu’il éprouve en devenant  accro à une sexualité compulsive, en devenant toxicomane ou encore en s’engageant dans la violence.
Parfois, sans aller jusqu’à ces comportements extrêmes, il va essayer de résoudre ses problèmes, soulager la douleur et le sentiment de vide qu’ils provoquent en s’évadant dans le travail, dans des activités plus ou moins plaisantes  ou dans le divertissement.
J’aimerais  m’arrêter là sur le double sens du mot divertissement ; d’une part à son sens usuel : celui d’amusement, d’autre part à son sens étymologique : « divertir » signifiant  « se détourner de ».
 Le divertissement selon Pascal est donc bien un masque qui évite à l’homme d’être accablé par son propre « néant ».  On pourrait rajouter par son propre vide. L’extérieur masque l’intérieur. L’homme agité croit se trouver lui-même, mais en réalité il se fuit, il n’agite que du vide :   « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne pouvoir rester en repos ». La conscience est incapable de supporter un face à face avec elle-même, c’est la source du malheur et de la misère de l’homme nous dit Pascal.
  


Au niveau de la société

Perte de sens
Aujourd’hui, la caractéristique essentielle de la société  est devenue la perte de sens et où chacun court dans tous les sens, ce qui équivaut à une absence de repères.

Baisse du lien social
Si la société se vide de repères, le lien social s’y estompe, y disparait de plus en plus au moins au niveau nationale (ce qui n’est pas forcément vrai au niveau local)  Or, c’est bien le lien social qui y fait sens et réciproquement.
 Les structures collectives se trouvent peu à peu vidées de leur signification, baisse massive de la syndicalisation, perte du religieux, désaffection du politique, disparition de la valeur travail, auquel se substituent la frénésie des loisirs, la frénésie de la consommation etc…

Montée du narcissisme
Mais surtout, une nouvelle figure apparait dans la montée aux extrêmes de l’individu post moderne, celle de Narcisse. En effet, s’il y a un désinvestissement de la sphère publique, la sphère privée, elle, est au centre de toutes les préoccupations, et fait écho à la désaffection du politique.

Exhibitionnisme
Désormais, on se centre sur le moi, l’ego, non pas tant comme architecte de la volonté mais comme source de plaisir, comme tout ce qui est susceptible de provoquer une jouissance. Exposition de soi grâce à tout ce que les moyens modernes de communication permettent. Il est important d’avoir « les codes », de penser face book ou de penser, tweeter. Cette pensée « réseaux sociaux » passe par le principe de mise en vitrine de soi. Il faut exhiber la plus belle  photo, le meilleur clip, la meilleur phrase, le meilleur commentaire. Etre présent sur face book invite, voir oblige les individus à choisir parmi une multiplicité de possibles la façon avec laquelle ils vont se représenter, la stratégie de mise en scène qu’ils vont adopter. Partant de là, on peut comprendre que l’intégration de chacun, sa réputation, son estime de soi dépendent de sa participation aux réseaux sociaux. Ne s’agit-il pas là d’une aliénation sociale ?
 Créer un blog pour se raconter inlassablement….et n’avoir d’autre but qu’une certaine popularité, liée non pas à la qualité du contenu du blog mais au nombre de consultations ou de commentaires laissés par les internautes, provocant une satisfaction béate et creuse liée à sa propre appréciation par d’autres.

Repli sur soi, solitude
Est-ce que tout cela ne fait pas que renvoyer l’individu à sa propre solitude, irrémédiable contre coup du  narcissisme et à l’incapacité de l’homme moderne à rencontrer l’autre sur un mode authentique.
Il n'y a plus de dialogue, celui-là même dont Merleau-Ponty disait, dans la phénoménologie de la perception, qu'il était un véritable être à deux,  «  capable de m'arracher des pensées dont je n'avais même pas idée avant que le dialogue ne débute…. 

L'enfermement sur lui-même de l'homme contemporain,  son narcissisme va le conduire à contempler inlassablement sa propre image dans le miroir, une image vide de tout contenu.

Notre monde grand ouvert a gommé l’importance de l’espace réduit à notre seule dimension, a gommé l’importance de ce sentiment d’appartenance à soi-même. N’est-ce pas cette absence à soi-même qui crée un grand vide intérieur ? Montaigne recommandait déjà de  « se rouler sur soi-même » tel un contenant pour intensifier les ressentis de notre monde intérieur, pour découvrir ce que l’on possède vraiment. Créer et cultiver notre monde intérieur Cet investissement ne serait-il pas nécessaire pour devenir propriétaire de soi-même, pour acquérir son autonomie, la faculté de faire des choix, pour retrouver sa juste place, sa liberté, s’épanouir, créer, aimer ?

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Conclusion : Le vide, fatalité ou opportunité ?

Perception du vide et culture
Il me semble tout d’abord important de souligner que la signification de « vide » varie selon le contexte, la tradition culturelle ou religieuse dans lesquels il peut être employé.

En occident
En occident la philosophie définit le vide par rapport à l’être question qui est au centre de la métaphysique et  qui a provoqué d’innombrables  débats depuis Parménide jusqu’à Heidegger et Sartre.  Là où l’occident s’intéresse à l’essence, la substance et l’existence, l’orient met en avant  le devenir, l’impermanence, l’interdépendance et les relations entre les êtres. Cela  a évidemment un impact essentiel sur le concept de vide dans ces philosophies.( à revoir)

Chez les bouddhistes
Lorsque le bouddhisme enseigne que la vacuité est la nature ultime des choses, il veut dire que les phénomènes et les fonctions qu’ils remplissent sont dénués d’existence autonome et permanente, nous dit Matthieu Ricard. 
 «  Toute chose dépend des autres pour exister, tout est par nature interdépendant et donc vide d’existence propre. »

Chez les taoïstes
Chez les taoïstes le vide est conçu comme un potentiel : 
 « Quelque chose qui attend d’être rempli et par extension d’être réalisé. C’est l’esprit vide de pensée dans lequel peuvent naître les idées, c’est le blanc de la feuille qui attend d’être dessiné. Lorsqu’un taoïste voit un verre, il y  voit d’abord le vide qui le rend utile, le vide qui permet d’être rempli. »


  Introduction au débat
Aujourd’hui le vide est-il inévitable ? Est-ce une fatalité ? Sommes-nous complètement déterminés par le monde moderne ?
Deux citations pour nous aider à réfléchir :

Et si le vide est inévitable est-il une condition nécessaire et une opportunité pour recréer un plein de sens ?

……… « La vie s’écoule et ne retient rien indéfiniment. La plénitude (comme état de ce qui est plein) de la vie ne serait-elle pas dans l’écoulement sans retenue de la durée on chaque instant crée et recrée en dissolvant toute absence » ? Serge Cartanfan

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