Introduction
En
commençant à réfléchir au sujet de notre débat de ce soir, voici la première
découverte que j’ai faite : Parménide, philosophe grec présocratique,
disait : » L’être est, le non être n’est pas. » Or le vide était
pour lui un non être et ne pouvait donc exister.
J’en ai tiré une conclusion un peu
hâtive : « Le vide n’existe pas, donc circulez, il n’y a rien à
voir, rien à dire. ». La feuille qui était devant moi restait blanche et
vide de tout écrit.
Puis chemin faisant j’ai découvert que cette notion de vide recouvrait
un champ si vaste…si plein…si riche…et
était le théâtre de tant de batailles, qu’au risque de tout mélanger, il a
fallu que je fasse le vide dans mon esprit avant de me lancer !
LE VIDE
Définition
du vide
En philosophie
La notion de vide est intimement liée à la notion d’être. Le
vide est l’absence de matière, l’absence d’être.
En physique
Le vide est un concept qui recèle des propriétés tout à fait
surprenantes et néanmoins fondamentales. Il ne s’agit pas du rien (l’absence de
tout). La physique moderne nous dit d’ailleurs qu’il est tout à fait pertinent
de discuter de l’énergie du vide.
Il y a eu des débats philosophiques de l’antiquité jusqu’à la
renaissance autour de cette notion.
La découverte, ou plutôt l’admission du vide dans la nature
est une étape décisive de l’histoire des sciences, la polémique agite fortement
les milieux savants durant la révolution scientifique du XVIIème siècle.
Aujourd’hui, nous sommes entraînés par la physique moderne dans ce qu’elle a de plus étrange à
savoir le contenu du vide !
Alors que la physique classique a admis l’existence du vide,
la physique moderne remet cette idée en cause. Il existe des champs
électriques, magnétiques et gravitationnels dans le vide. Peut-on encore parler
de vide ? Le vide existe-t-il ?
Mais je vous laisse aller explorer le monde de la physique
quantique dans lequel je ne m’aventurerai pas. Par contre je vous propose
d’explorer la notion de vide en tant que sentiment ou vide « existentiel »
comme objet principal du débat de ce soir.
Là encore j’ai ouvert la boîte de Pandore… J’espère que cela
ne va pas me mener à la catastrophe !
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Le Vide « existentiel »
Au niveau individuel
Définition
Le « vide
existentiel » est une condition humaine caractérisée par un sentiment
d’ennui généralisé, d’aliénation et d’apathie.
En être atteint, peut aller jusqu’à perdre toute
motivation de vivre : le vide remplace le plein de la vie. Il donne
l’impression de subir une fatalité incontournable.
Le
vide et son rapport au temps
Des sentiments de vide peuvent survenir simplement à
l’occasion d’une attente : Attendre une personne, un ami. Je pense à cet
ami qui doit arriver et qui n’est pas là, qui est absent. Dans l’attente je
reste dans le vide de l’absence, je suis ailleurs, je suis dans un futur, dans
le futur de ce qui doit arriver et je dénie
la présence de ce qui est. En effet l’absence a un pouvoir remarquable,
une puissance de négativité, elle néantise la perception.
Sentiment de vide
aussi dans l’échec d’un désir. Je désire ardemment une personne, une situation,
un objet qui a un prix infini à mes yeux et j’échoue dans mes tentatives. Je
reste avec l’absence de ce que je voulais posséder.
Bergson écrit : « Un être qui ne
serait pas doué de mémoire ou de prévision ne prononcerait jamais les mots
de « vide » et de «
néant », il exprimerait simplement ce qui est et ce qu’il perçoit ;
or ce qui est et ce qu’on perçoit, c’est la présence »…. « Il n’y a
d’absence que pour un être capable de souvenir et d’attente. »
Le
vide et son rapport à l’ennui
Sentiment de vide, lorsque l’individu est confronté à l’ennui
soit par l’absence d’activité soit parce que l’activité ne retient pas son
attention, qu’elle est vide d’une fin digne de s’y intéresser. Il va alors
chercher à s’en distraire au moyen d’un passe temps. Il s’agit bien là de faire
passer le temps malgré tout. Dans cet état d’ennui, il va regarder tout le
temps l’heure pour s’assurer que le temps passe car il est exposé à une
temporalité vide qu’il s’empresse de combler.
Il est un autre ennui ; Celui où l’individu s’ennuie
lui-même et d’une partie de lui-même. Ce qui peut résulter du manque d’estime
de soi. Il est dans une absence totale
d’envie à satisfaire ses désirs, une sorte d’apathie, d’inappétence, voir dans
un désespoir qui le ramène à sa propre temporalité vide.
« Ce ne sont pas tant les objets qui
posent problème plutôt que moi-même confronté à une absence de fin et donc à
une absence de signification : je ne suis alors plus rien d’autre que
cette temporalité vide et insensée » dit Pascal dans Les Pensées.
« La
peur que nous avons communément du vide n’est-ce pas l’absence que nous y
mettons ? Cette absence qui néantise le reste. » Serge Cartanfan
Le
vide et son rapport à l’énergie vitale
Le sentiment de vide s’exprimera, à l’occasion d’une grande
lassitude, d’un état d’épuisement
physique ou mental ; Etat de tension permanente du à un rythme de vie
frénétique, à des difficultés rencontrées dans le travail et ou dans la vie
personnelle, épuisement physique et mental du à la maladie…..Ne nous
arrive-t-il pas de dire : « Je
suis vidée, Je n’ai plus aucune énergie, j’ai la tête vide. »
Le
vide et son rapport au deuil
D’une manière générale, le deuil permet de surmonter
un événement critique de la vie, un vide lié à une perte brutale. Il est
souvent associé à la mort : la mort d’un être aimé mais aussi « la
mort d’une image parfaite des parents lorsque ceux-ci divorcent », « la mort de la confiance en une
personne », « la mort d’une
relation amoureuse lors d’une séparation », « la perte du statut social lié à la
perte d’un emploi »
Le deuil est aussi considéré comme un processus
nécessaire de délivrance, nommé résilience.
Les travaux d’ Elisabeth Kübler-Ross font retenir
cinq étape dans le processus de deuil :
1 Le
choc : phase courte mais violente refus de croire, 2 La
colère : période de questionnement. 3 Le marchandage : phase de
négociations, de chantages. 4 La dépression : phase caractérisée
par une grande tristesse, la détresse. 5 L’acceptation :
perte comprise et acceptée.
Réorganisation de la vie en fonction de la perte.
Le
vide et son rapport à la souffrance
Sentiment de vide lors d’une déprime, qui entraine une souffrance
morale, voir des troubles du comportement, une perte totale de l’estime de soi, un repli
sur soi-même. Souffrance due à la misère, à l’absence de sécurité. Prenons
l’exemple du SDF. Il manque de tout et se retrouve face à sa solitude, à sa
différence et parfois à l’indifférence des autres. IL n’existe plus pour rien
ni personne.
Le sentiment de vide résultant de violences : problèmes familiaux qui peuvent
aller jusqu’aux relations abusives et à la maltraitance…..L’individu soumis à
cette violence se retrouve seul face à sa souffrance.
Ce sentiment de vide
intérieur fait peur et isole des autres ……
les
réactions possibles face à ce sentiment de vide ?
Parfois, l’individu va
essayer de compenser sa frustration et le vide qu’il éprouve en devenant accro à une sexualité compulsive, en devenant
toxicomane ou encore en s’engageant dans la violence.
Parfois, sans aller jusqu’à ces comportements extrêmes, il va
essayer de résoudre ses problèmes, soulager la douleur et le sentiment de vide qu’ils
provoquent en s’évadant dans le travail, dans des activités plus ou
moins plaisantes ou dans le divertissement.
J’aimerais m’arrêter
là sur le double sens du mot divertissement ; d’une part à son sens
usuel : celui d’amusement, d’autre part à son sens étymologique : « divertir »
signifiant « se détourner
de ».
Le
divertissement selon Pascal est donc bien un masque qui évite à l’homme d’être
accablé par son propre « néant ». On pourrait rajouter par son propre vide. L’extérieur
masque l’intérieur. L’homme agité croit se trouver lui-même, mais en réalité il
se fuit, il n’agite que du vide : « Tout le malheur des hommes vient d’une
seule chose, qui est de ne pouvoir rester en repos ». La conscience est
incapable de supporter un face à face avec elle-même, c’est la source du
malheur et de la misère de l’homme nous dit Pascal.
Au
niveau de la société
Perte
de sens
Aujourd’hui, la caractéristique essentielle de la société est devenue la perte de sens et où chacun
court dans tous les sens, ce qui équivaut à une absence de repères.
Baisse
du lien social
Si la société se vide de repères, le lien social
s’y estompe, y disparait de plus en plus au moins au niveau nationale (ce qui
n’est pas forcément vrai au niveau local)
Or, c’est bien le lien social qui y fait sens et réciproquement.
Les structures
collectives se trouvent peu à peu vidées de leur signification, baisse massive
de la syndicalisation, perte du religieux, désaffection du politique, disparition
de la valeur travail, auquel se substituent la frénésie des loisirs, la
frénésie de la consommation etc…
Montée
du narcissisme
Mais surtout, une nouvelle figure apparait dans la montée aux
extrêmes de l’individu post moderne, celle de Narcisse. En effet, s’il y a un
désinvestissement de la sphère publique, la sphère privée, elle, est au centre
de toutes les préoccupations, et fait écho à la désaffection du politique.
Exhibitionnisme
Désormais, on se centre sur le moi, l’ego, non pas tant comme
architecte de la volonté mais comme source de plaisir, comme tout ce qui est
susceptible de provoquer une jouissance. Exposition de soi grâce à tout ce que
les moyens modernes de communication permettent. Il est important d’avoir
« les codes », de penser face book ou de penser, tweeter. Cette
pensée « réseaux sociaux » passe par le principe de mise en vitrine
de soi. Il faut exhiber la plus belle
photo, le meilleur clip, la meilleur phrase, le meilleur commentaire.
Etre présent sur face book invite, voir oblige les individus à choisir parmi
une multiplicité de possibles la façon avec laquelle ils vont se représenter,
la stratégie de mise en scène qu’ils vont adopter. Partant de là, on peut
comprendre que l’intégration de chacun, sa réputation, son estime de soi
dépendent de sa participation aux réseaux sociaux. Ne s’agit-il pas là d’une
aliénation sociale ?
Créer un blog pour se
raconter inlassablement….et n’avoir d’autre but qu’une certaine popularité, liée
non pas à la qualité du contenu du blog mais au nombre de consultations ou de
commentaires laissés par les internautes, provocant une satisfaction béate et
creuse liée à sa propre appréciation par d’autres.
Repli
sur soi, solitude
Est-ce que tout cela ne fait pas que renvoyer l’individu à sa
propre solitude, irrémédiable contre coup du narcissisme et à l’incapacité de l’homme
moderne à rencontrer l’autre sur un mode authentique.
Il n'y a plus de dialogue, celui-là même dont Merleau-Ponty
disait, dans la phénoménologie de la perception, qu'il était un véritable être
à deux, « capable de m'arracher des
pensées dont je n'avais même pas idée avant que le dialogue ne débute….
L'enfermement sur lui-même de l'homme contemporain, son
narcissisme va le conduire à contempler inlassablement sa propre image dans le
miroir, une image vide de tout contenu.
Notre monde grand ouvert a gommé l’importance de l’espace
réduit à notre seule dimension, a gommé l’importance de ce sentiment
d’appartenance à soi-même. N’est-ce pas cette absence à soi-même qui crée un
grand vide intérieur ? Montaigne recommandait déjà de « se rouler sur soi-même » tel un
contenant pour intensifier les ressentis de notre monde intérieur, pour
découvrir ce que l’on possède vraiment. Créer et cultiver notre monde intérieur
Cet investissement ne serait-il pas nécessaire pour devenir propriétaire de
soi-même, pour acquérir son autonomie, la faculté de faire des choix, pour
retrouver sa juste place, sa liberté, s’épanouir, créer, aimer ?
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Conclusion : Le vide, fatalité ou
opportunité ?
Perception du vide et culture
Il me semble tout d’abord important de souligner que la
signification de « vide » varie selon le contexte, la tradition
culturelle ou religieuse dans lesquels il peut être employé.
En
occident
En occident la philosophie définit le vide par rapport à
l’être question qui est au centre de la métaphysique et qui a provoqué d’innombrables débats depuis Parménide jusqu’à Heidegger et
Sartre. Là où l’occident s’intéresse à
l’essence, la substance et l’existence, l’orient met en avant le devenir, l’impermanence, l’interdépendance
et les relations entre les êtres. Cela a
évidemment un impact essentiel sur le concept de vide dans ces philosophies.( à
revoir)
Chez
les bouddhistes
Lorsque le bouddhisme enseigne que la vacuité est la nature
ultime des choses, il veut dire que les phénomènes et les fonctions qu’ils
remplissent sont dénués d’existence autonome et permanente, nous dit Matthieu
Ricard.
« Toute chose dépend des autres pour exister, tout
est par nature interdépendant et donc vide d’existence propre. »
Chez
les taoïstes
Chez les taoïstes le vide est conçu comme un
potentiel :
« Quelque chose qui attend d’être rempli
et par extension d’être réalisé. C’est l’esprit vide de pensée dans lequel
peuvent naître les idées, c’est le blanc de la feuille qui attend d’être
dessiné. Lorsqu’un taoïste voit un verre, il y
voit d’abord le vide qui le rend utile, le vide qui permet d’être
rempli. »
Introduction au débat
Aujourd’hui
le vide est-il inévitable ? Est-ce une fatalité ? Sommes-nous complètement
déterminés par le monde moderne ?
Deux citations pour nous aider à réfléchir :
"La liberté n'existe que là où
l'intelligence et le courage parviennent à mordre sur la fatalité."Roger Caillois
Et si le
vide est inévitable est-il une condition nécessaire et une opportunité pour
recréer un plein de sens ?
……… « La vie s’écoule et ne retient rien indéfiniment. La plénitude (comme état de ce qui est plein) de la vie ne serait-elle pas dans l’écoulement sans retenue de la durée on chaque instant crée et recrée en dissolvant toute absence » ? Serge Cartanfan
……… « La vie s’écoule et ne retient rien indéfiniment. La plénitude (comme état de ce qui est plein) de la vie ne serait-elle pas dans l’écoulement sans retenue de la durée on chaque instant crée et recrée en dissolvant toute absence » ? Serge Cartanfan
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